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mardi, 16 juin 2015 08:59

"Le gong a bégayé" de Apollinaire Agbazaou : une pièce de théâtre toute en symboles pour magnifier le Danxomè

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Les éditions Plumes Soleil et Laha publient en 2013, la pièce de théâtre "Le gong a bégayé" d'Apollinaire Agbazaou. Elle est précédée d'une autre pièce, "La bataille du trône" et reste dans la même verve de la royauté et de ses ressors...

Les éditions Plumes Soleil et Laha publient en 2013, la pièce de théâtre "Le gong a bégayé" d'Apollinaire Agbazaou. Elle est précédée d'une autre pièce, "La bataille du trône" et reste dans la même verve de la royauté et de ses ressors. Ici, au-delà du royaume du Danxomè, la moindre réplique plaide pour une Afrique qui ne rougit plus de ses traditions, mais s'en auréole pour compter au rendez-vous de la mondialisation.

Un prince héritier dédaigneux du trône royal, alors que son roi de géniteur tient à lui en montrer la grandeur ! Il ne fallait pas meilleur prétexte à Apollinaire Agbazaou pour nouer l'intrigue de cette courte pièce de théâtre. Vidaho doit succéder à son père comme souverain du Danxomè, un ancien royaume du Bénin. Mais l'héritier trouve l'attirail royal désuet et ringard. Kpanlingan, le griot du roi qui chante ses louanges l'irrite ; Vidaho commet l'irréparable en lui arrachant des mains, le gong qui bégaie. Sacrilège ! Cet accident permettra cependant au prince, qui encourt un moment la peine de mort, de mieux se ressourcer à l'histoire de son peuple. L'auteur emprunte ce moyen pour aborder dans une langue truculente, un certain nombre de thèmes.

Entre tradition et modernisme

Au début de la pièce, Vidaho est le tenant de la modernité. Seul contre tous, il trouve les pratiques de ses aïeuls barbares, dénonce les exécutions capitales, s'offre pratiquement en victime expiatoire parce qu'il refuse d'entrer dans le moule et de succéder à son père. Kpanlingan le prévient pourtant : "On ne balaie pas d'un revers de main son passé" (page 67). Celui que son père royal appelle le "trublion" ne tardera pourtant pas à comprendre qu'il fait une lecture erronée de l'histoire au prisme de "la vérité du blanc". Intervient alors le problème de la pertinence de la "vérité scientifique". Est-elle unique ou dépend-elle des intérêts immédiats de celui qui la proclame ? Pour Agbazaou, plusieurs questions devraient être révisitées et de nombreux mythes démontés. Ainsi en est-il du problème de l'esclavage, du fameux bois d'ébène qui aurait été transbordé outre atlantique, laissant les hommes de qualité médiocre sur place.

Les femmes du Danxomè

Agbazaou revient également sur la question du sexisme qui serait un trait caractéristique de l'habitant du Danxomè. Evoquant de célèbres figures féminines, la reine Tassi Hangbé, la princesse Ahlouikponoua, le personnage féminin Kinnoumi et bien inévitablement les amazones, il démontre que le Danxomè était un royaume où régnait la démocratie et dans lequel les femmes étaient valorisées. Par la même occasion, il établit comment la bonne gouvernance était un souci pour les souverains, résolument modernes sous sa plume. Enfin, la pièce montre, pas exactement une opposition, mais une nette démarcation entre roturiers et princes, un peu comme dans toutes les grandes tragédies, même si on sait que les seconds ne sont pas ceux qui ont toujours la science infuse.

Style

La langue de Apollinaire Agbazaou est riche d'images aux milles couleurs, à l'instar des tentures des palais royaux d'Abomey. Dans un style alerte et politique, les répliques plongent le lecteur dans l'économie du passé glorieux, d'un royaume antique et millénaire. Par ailleurs, l'auteur a recours à une riche didascalie (indications scéniques) dont certaines ne sont pas sans rappeler celles du célèbre Antigone de Jean Anouilh. "Les ressorts de la tragédie sont bandés ?" (page 73). De nombreux mots et symboles du Fongbé (langue du Danxomè) viennent enrichir le verbe et lui donner une couleur définitivement locale. Comme pour signifier qu'au rendez-vous de l'universel, la langue qui porte la culture devra compter pour beaucoup. Au total, le locuteur natif du Fongbé ressort de cette lecture un peu comme Vidaho, requinqué et prêt à défendre l'originalité de sa tradition contre tous. Quant à l'allogène, il découvre un patrimoine, au-delà des clichés entretenus autour de la culture des gens d'Abomey. C'est donc l'autochtone qui reprend l'initiative, pour gommer les erreurs introduites par les étrangers dans l'écriture de son passé. "Qui peut mieux raconter notre histoire en dehors de nous même ?" (page 92). On en redemanderait presque, que le gong bégaie encore et toujours.

 

Carmen Toudonou

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